Les résolutions de Marina
Marina Kucherenko, adolescente d’Illkirch, qui a quitté l’Ukraine en guerre il y a quatre ans et demi, est l’une des meilleures spécialistes alsaciennes de sa catégorie en carabine 10 mètres.
Marina Kucherenko a visé juste en choisissant la carabine.
PHOTO DNA - Laurent RÉA
En ce début d’année, les bonnes résolutions, c’est de saison. Marina Kucherenko a fait les siennes pour 2019. « On m’a souvent dit que j’avais l’air triste, que j’étais fermée. Alors j’ai décidé d’être moins timide, de parler, d’aller plus vers les autres et d’avoir le sourire » raconte la jeune fille de 14 ans, perchée à 1,81m.
Elle en impose, Marina. Mais, derrière la carapace, il y a son histoire, son passé. Elle apprend à s’ouvrir. Le temps, ça aide. Toutes les épreuves l’ont sûrement rendue plus forte. Les épreuves, c’est la guerre civile chez elle en Ukraine. C’était il y a quatre ans et demi. Dans sa vie d’adolescente, c’était avant-hier.
À l’été 2014, Marina a donc découvert l’Hexagone. Le mois suivant, elle est entrée en CM2 à l’école élémentaire d’Illkirch-Graffenstaden. « Je ne connaissais pas un mot de français, je me sentais un peu seule. Et puis, au fil du temps, j’ai commencé à reconnaître des sons dans les discussions, j’ai appris en phonétique, à l’oreille. Mes résultats scolaires se sont bien améliorés. »
Elle se compare à « une éponge qui absorbe tout ce qu’on lui dit » pour apprendre. Chaque année, ses résultats ont progressé, à force de rigueur et de travail. Aujourd’hui, elle est élève en 3e au collège du Parc à Illkirch et a « 18 de moyenne générale ». Elle aime les matières scientifiques et les langues vivantes.
Ce qui a contribué à son épanouissement, c’est aussi le sport. Après l’escalade, elle s’est inscrite dans un club de tir à Ostwald en septembre 2016. « À 8 ans, j’avais déjà testé avec mon père lors d’une fête foraine en Ukraine. Quand je suis allée au stand en France, ils disent toujours qu’il faut une séance d’essai pour prendre une licence. Je n’en ai pas eu besoin, ça m’a plu tout de suite. »
Sa spécialité, c’est la carabine à 10 mètres. « Ce que j’aime dans ce sport, c’est la maîtrise de soi qu’il faut avoir, assure l’athlète désormais licenciée à l’Amitié Lingolsheim. Au tir, ce qui s’est passé avant n’existe plus, il faut toujours regarder devant pour avoir les meilleurs résultats. J’aime bien cette mentalité de vouloir toujours avancer, sans jamais rien regretter. »
Dès sa première année, Marina Kucherenko s’est qualifiée pour les championnats de France (130e ). L’année suivante, elle a grimpé de... 100 places dans la hiérarchie nationale, terminant meilleure Alsacienne chez les minimes.
« En rentrant des entraînements, je suis toujours fière de montrer à mes parents les cartons que je fais », explique l’ancienne judokate qui entend à nouveau se qualifier pour les « France » en 2020.
Plus tard, Marina, qui obtiendra la nationalité française l’an prochain, aimerait devenir médecin. « Généraliste, ophtalmo ou dentiste », renchérit la fan des séries « Stranger Things » et « Orange is the new black ». C’est en France qu’elle voudra vivre. « Je ne m’imagine pas retourner en Ukraine. Ma vie, elle est ici. Mes amis aussi. »
Guerre ou pas, elle serait de toute façon venue faire ses études supérieures au pays de Molière. « La situation en Ukraine a précipité notre arrivée mais, dans notre famille, la France, ç’a toujours été particulier. » Son père bossait en France et exportait la musique d’ici. « Il nous faisait écouter du Stromae, du Joe Dassin » narre Marina, sourire aux lèvres. Ses résolutions, elle les tient.
Bonne soirée